Un pince-maille avait tant amassé
Qu’il ne savait où loger sa finance.
L’avarice, compagne et soeur de l’ignorance,
Le rendait fort embarrassé
Dans le choix d’un dépositaire ;
Car il en voulait un, et voici sa raison :
Les vertus devraient être soeurs,
Ainsi que les vices sont frères.
Dès que l’un de ceux-ci s’empare de nos coeurs,
Tous viennent à la file ; il ne s’en manque guères :
Deux perroquets, l’un père et l’autre fils,
Du rôt d’un Roi faisaient leur ordinaire ;
Deux demi-dieux, l’un fils et l’autre père,
De ces oiseaux faisaient leurs favoris.
L’âge liait une amitié sincère
Avec grand bruit et grand fracas
Un torrent tombait des montagnes :
Tout fuyait devant lui ; l’horreur suivait ses pas ;
Il faisait trembler les campagnes.
Nul voyageur n’osait passer
Une barrière si puissante ;
Le Lion dans sa tête avait une entreprise :
Il tint conseil de guerre, envoya ses prévôts,
Fit avertir les animaux.
Tous furent du dessein, chacun selon sa guise :
L’Éléphant devait sur son dos
Autrefois Carpillon fretin
Eut beau prêcher, il eut beau dire,
On le mit dans la poêle à frire.
Je fis voir que lâcher ce qu’on a dans la main,
Sous espoir de grosse aventure,
Est imprudence toute pure.
Le pêcheur eut raison ; Carpillon n’eut pas tort :
Un octogénaire plantait.
« Passe encore de bâtir ; mais planter à cet âge ! »
Disaient trois Jouvenceaux, enfants du voisinage :
Assurément il radotait.
« Car, au nom des Dieux, je vous prie,
Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir ?