À Madame de la Sablière
Je vous gardais un temple dans mes vers :
Il n’eût fini qu’avecque l’Univers.
Déjà ma main en fondait la durée
Sur ce bel Art qu’ont les Dieux inventé,
Et sur le nom de la Divinité
Que dans ce temple on aurait adorée.
Les Animaux, au décès d’un Lion,
En son vivant Prince de la contrée,
Pour faire un Roi s’assemblèrent, dit-on.
De son étui la couronne est tirée.
Dans une chartre un Dragon la gardait.
Un Philosophe austère, et né dans la Scythie,
Se proposant de suivre une plus douce vie,
Voyagea chez les Grecs, et vit en certains lieux
Un Sage assez semblable au vieillard de Virgile,
On cherche les rieurs ; et moi je les évite.
Cet art veut, sur tout autre, un suprême mérite :
Dieu ne créa que pour les sots
Les méchants diseurs de bons mots.
J’en vais peut-être en une fable
Introduire un ; peut-être aussi
Que quelqu’un trouvera que j’aurai réussi.
Entre deux bourgeois d’une ville
S’émut jadis un différend :
L’un était pauvre, mais habile ;
L’autre, riche, mais ignorant.
Celui-ci sur son concurrent
Du palais d’un jeune Lapin
Dame Belette, un beau matin,
S’empara : c’est une rusée.
Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates, un jour
Par des voeux importuns nous fatiguons les Dieux,
Souvent pour des sujets même indignes des hommes.
Il semble que le Ciel sur tous tant que nous sommes
Soit obligé d’avoir incessamment les yeux,
Et que le plus petit de la race mortelle,
Parmi de certains Coqs, incivils, peu galants,
Toujours en noise, et turbulents,
Une Perdrix était nourrie.
Son sexe, et l’hospitalité,
De la part de ces Coqs, peuple à l’amour porté
Lui faisaient espérer beaucoup d’honnêteté :